La Lune : Second monde colonisé

    On peut considérer que la fille des nuits terriennes aurait du recevoir la présence de bases permanentes quelques dix années après le premier pas de l’homme sur son sol, soit en 1979. On préconisait à cette époque une présence définitive de l’homme et de premières exploitations minières pour l’horizon 2000. les plus sérieux prospectivistes de la NASA envisageaient déjà de concevoir les modules fixes qui serviraient à l’installation de la première base avant 1980… Or, il n’en fut rien pour diverses raisons. La principale se situait dans le changement de direction de la politique spatiale Américaine. Après cette victoire historique immortalisée par la bannière étoilée «flottant» dans la brise imaginaire de la mer de la tranquillité, la NASA, mais surtout ses cadres dirigeants obligés de suivre les puissants groupes financiers qui étaient derrière ces dépenses scientifiques «de prestige», ainsi que le congrès soucieux désormais d’épargner le portefeuille des contribuables fédéraux, conduisirent à envisager l’espace sous un jour plus «rentable».

 

Finie donc la titanesque aventure des explorateurs spatiaux chevauchant leur immense pétards à kérosène, place à l’exploitation rationnelle des lanceurs de satellites, à la télévision largement diffusée, aux recherches destinées à la terre. Il y eut la navette spatiale, formidable solution à la coûteuse extraction planétaire, et même Skylab, mais plus de grande aventure. Par la suite, le budget de la Nasa fondit comme neige au soleil et un projet aussi gigantesque que celui que présentait Carl Sagan, à savoir la terraformation de l’astre rouge, restait un beau rêve inatteignable. Des recherches scientifiques sur la Lune ?

 

 

 

– C’est un corps mort, un désert de poussière qui ne passionne pas le public… -Toutes les mesures à faire l’ont été par les missions Apollo… Ce projet ancien, moins défendu, était quasiment passé dans les oubliettes de l’agence . Les soviétiques pendant ce temps expérimentaient de grandes stations spatiales, et leurs Cosmonautes battaient sur Saliout puis Mir des records d’autonomie. L’avenir était aux stations, et Alpha (ISS), raisonnable et utile dans le cadre d’un partenariat international, se profilait de plus en plus nettement à l’horizon. Une base permanente en orbite. On pouvait l’évacuer en quelques heures, contre 24 heures pour la Lune et deux ans pour Mars…et puis l’on pouvait y bâtir les premiers modules dans l’espace, le premier vaisseau à destination de cet astre rouge qui fascinait bien plus que la Lune. 

                De facto, la priorité passa à l’astre rouge et l’astre gris joua le rôle de figurant. Cependant en 2055, la nécessité d’installer un système de réception/émission de données optiques vers Mars (bien plus rapide que les ondes radio) conduisit à construire une petite base spécifiquement conçue pour cela, sur sa face cachée. Peu de temps après, un télescope bien plus vaste en terme de surface impressionnable que le célèbre mais vieillissant Hubble fut bâti à quelques dizaines de mètres de ce site idéal. Enfin, dix ans plus tard, on aménagea sous la surface, après un long tunnel creusé à trois cent mètres de profondeur, un immense entrepôt verrouillé par un sas massif en plomb, et ceinturé de plaques de plomb aggloméré, un stockage de matières fissiles, résidus encombrant de l’industrie nucléaire. Progressivement, tous les stocks terriens furent transférés sur la Lune.


Devant la nécessité de produire des modules directement dans l’espace, grâce à des matériaux lancés depuis la lune, une solution plus lointaine mais ayant l’avantage de sa faible pesanteur, une petite « mine » fut installée dans le secteur le plus propice, et une station d’extraction doublée d’un petit site de raffinage et de fonte. On installa à proximité une rampe de lancement oblique et de lourdes charges pouvaient ainsi être envoyées dans l’espace à rythme soutenu. Elles étaient réceptionnées par ISS bêta. la station orbitale Lunaire se chargeait de placer ces conteneurs de matériaux raffinés et fondus en bocs compacts dans des containers eux-mêmes placés le long de la « colonne vertébrale » du second cargo construit, l’ ITS-2 ou « interplanetary transportation Ship ». Très rapidement, il fallut organiser la construction d’une serre géante du côté exposé au soleil afin d’alimenter les premiers colons Lunaires en ressources. En 2100, la Lune comptait en effet trois bases permanentes qui hébergeaient quelques 82 astronautes, techniciens de mines et du raffinage en majorité. Par la suite, la découverte d’autres gisements conduisit naturellement à la construction d’autres bases.  

Avec la multiplication des sites d’extraction et par la même, des villes pour mineurs, lesquels restaient plus d’un mois sur place en équipes tournantes, l’idée de mettre sur pied des habitats plus agréables et plus vastes en se servant de la configuration du terrain conduisit naturellement à l’utilisation de cratères aux parois hautes. Ainsi, le cratère Sharonov, sur la face cachée, répondant parfaitement à cette définition, fut sollicité pour la structure géante ( plus de 18 Km de diamètre ) qui serait maintenue au dessus des parois de ce cratère bétonné par d’immenses mâts dûment harnachées à des câbles d’acier aussi impressionnants que ceux du Golden Gate Bridge en son temps. L’espace dégagé frisait donc les 113 Km2 de surface. De quoi y ériger des centaines de milliers d’habitation placées aussi judicieusement que possible dans cet espace. La pesanteur n’étant pas absente, une faune et une flore pouvaient croître sous cette bulle, car, une fois pressurisée et gonflée comme un ballon de baudruche, la structure souple et transparente, une bâche conçue par empilement de petites bâches de plastique triplement renforcées et cousues en fil de carbone, soudées par chauffage, était retenue plus que soutenue par la formidable poussée exercée par la pressurisation artificielle. De plus, la rigidité induite par le risque de microfissures était à surveiller avec soin étant donné les écarts de température auquel était soumis cette surface réfléchissante ( 315°c. au total ). Des équipes de sécurité permanentes avaient la lourde responsabilité d’inspecter cette bâche 24 heures sur 24, ainsi que toutes les pièces de structure. En cas de fragilisation de celle-ci en quelque point que ce soit, on avait prévu de relâcher de la pression afin de soulager l’ensemble, le temps que les équipes d’urgence fassent le nécessaire. Toute la ville en contrebas du cratère disposait de pièces de sécurité de proximité verrouillées par des sas, en cas d’alerte, les Lunaires pouvaient s’y réfugier en quelques secondes. On avait même prévu des stations radars et des postes de tir avancés contre tous les risques d’impacts d’astéroïdes, l’autre grand souci des ingénieurs.

Après la réussite de Sharonov, la plus impressionnante, ( elle avait été précédée par d’autres, moins vastes, depuis quinze années, dont freundlich, de 10 Km de diamètre  ), ce fut le tour de Coriolis et Shajn, à deux ans d’intervalle. Le consortium qui développa ces systèmes fit ensuite fortune dans la « colonisation » de nombreux autres astres morts. Le record en la matière fut celui détenu par le cratère Lunaire Icarus, de 21 Km. de diamètre.

En 3352, la Lune avait atteint son niveau de développement maximal. Sa population ne varia que peu par la suite, l’activité qui y était pratiquée devint plus variée. La faible pesanteur permettait à l’industrie de faire des montages poins périlleux que sur terre. L’industrie chimique et pharmaceutique y trouvait aussi son compte. Enfin, le secteur-roi, la sidérurgie, dérivée de l’exploitation des mines, était toujours prospère sur ce monde dont la surface regorgeait de corps métalliques. La construction spatiale devint donc une des principales activité de la planète. Alors que l’on dénombrait 1.8 millions de colons lunaires, prés de la moitié était impliquée dans l’activité des arsenaux. Là encore, la faible gravité faisait des merveilles : Lancer dans l’espace un vaisseau de 50 000 tonnes était un jeu d’enfant grâce à quelques lanceurs classiques. Cependant la plupart du temps les modules étaient envoyés par rampe à répulsion, et l’assemblage final s’effectuait en orbite haute. La lune fournissait à elle seule les trois quarts de la flotte opérationnelle de la fédération terrienne. Chaque année, elle produisait environ deux méthaniers, huit cargos long-courrier et vingt-deux moyens courrier, ainsi que plusieurs centaines de modules de bases et de stations, et de petits vaisseaux individuels. Plus rien ou presque ne se construisait sur terre, le coût du lancement restait peu concurrentiel, sauf en ce qui concerne l’approvisionnement d’ISS 1 et 3 ( Alpha et Gamma ). Les navettes conçues comme de petits cargos court-courrier formaient alors la majorité des commandes.

Quelques siècles plus tard, la Lune s’ impliquera largement dans la conquête interstellaire, en construisant quelques un des plus grands vaisseaux-colonies jamais conçus. Il n’y aura pas vraiment de population Lunaire, la plupart des résidents « tournant » avec la terre. Mais certains pouvaient y rester plusieurs années de suite et il y avait une minorité bien réelle de résidents à vie, pour diverses raisons, notamment carcérales. Une bien plus grande et noble cause avait depuis longtemps éclipsé définitivement l’intérêt que l’on pouvait porter à l’astre de la nuit :

Contact - Liens - Infos juridiques - l'auteur

Actualités - La série - archives - Dictionnaire