Commençons par les définitions: IA, "intelligence artificielle", le buzzword de ces dernières années.
"Slop" aurait été inventé comme terme par le programmeur Anglais Simon Willison en 2024 et le terme est devenu viral, comme ce qu'il dénonce.
De quoi parle-t-on ? Tout simplement de l'envahissement d'internet (global et réseaux sociaux) par une tempête de contenus générés par l'intelligence artificielle. Et pas seulement des images*, qui sont un excellent point d'accroche et de trafic car elles sont assez bonnes pour passer pour des photos et faire la controverse. On y reviendra. Mais c'est aussi la génération de contenus textes et de sites internet entiers, mais aussi de livres, de musique et même d'artistes virtuels.
*comme ci-dessus, avec une simple requête "ai bots taking a selfie" sur deepai.org, faites l'expérience.
Hollywood à été accusé aussi de vouloir convertir l'industrie du cinéma à l'IA et un film comme "the creator" d'être le premier blockbuster généré de la sorte, ce qui est faux. Mais il est certain que les grèves à répétition et le cachet mirobolant de certains acteurs peuvent faire penser que de grands studios seraient susceptibles de sortir des films faits 100% par IA (acteurs, script, décors, etc.) comme étant tout simplement bien plus rentables à l'horizon 2035 ou 2040... Pour l'instant les contenus images, vidéos et audio sont loin d'être parfaits. Ils font "illusion".
La mort d'internet ?
En quoi la génération massive de contenu IA serait-il une menace pour internet ?
Tout simplement parce que la facilité de création de ces contenus, qui consomment de la bande passante et de l'espace serveur va "noyer" les contenus humains, considérés de meilleure qualité (quoique c'est à relativiser), et ces derniers reçoivent de moins en moins d'audience, mécaniquement. Qui dit moins d'audience dit perte de revenus (publicitaires et partenariats) et un cercle vicieux se met en place. Certains de ces créateurs de contenus sont tentés, pour compenser, de se mettre aussi à faire du contenu IA, ce qui permet de faire du volume très rapidement et d'accroitre ses propres revenus. Au final, entraînant encore plus d'"IA slop". Ce n'est pas seulement de la perte de qualité d'internet dont on parle ici, mais de la saturation des serveurs.
Un hébergement Fini:
C'est donc bien un problème physique et qui touche à l'industrie de l'hébergement de data en général. Si tout le monde se met à produire du contenu IA l'espace serveur nécessaire va être multiplié par cent, voir par mille, avec un nombre de lecteurs humains qui va diminuer mécaniquement. Et il n'y aura pas assez d'énergie sur la planète pour héberger tant de contenu. La consommation internet globale actuelle représente approx. 536 térawatts-heures d'electricité, soit environ 2% de la consommation globale. Mais avec l'IA, il est estimé un doublement 4% voire 6% en 2030 et au-delà. Pour le climat, c'est encore une mauvaise nouvelle car avec la peur du nucléaire et la limite des énergies renouvelables, inconstantes, ainsi qu'une énergie hydroélectrique qui a atteint le sommet de son potentiel à travers le monde, la marge de manoeuvre est étroite, et l'interim ce sont encore les énergies fossiles, les plus "faciles".
Mais au-delà c'est la logique même du procédé. Avec plus de contenus générés par IA, la consommation par des humains va se réduire, par manque d'intérêt plus que par simple calcul mathématique. Il y a déjà bien plus de robots sur internet que d'humains en 2025 avec 51%. Les "Bad bots" en eux-mêmes font déjà 37% de tout ce trafic. Pire, cette activité néfaste à en partie pour but de détruire des sites internet concurrents (et faits par des humains). Alors évidemment la question centrale est qui est derrière tout ça.
Responsabilités
Qui sont les fossoyeurs d'internet ? Ce n'est pas une conspiration des États pour le contrôle total des citoyens, ou d'extraterrestres, ou même d'une IA autonome en roue libre qui à décidé de se muer en Gengis Khan de la toile. Cette responsabilité est partagée. Déjà par les acteurs d'internet, en particulier les réseaux sociaux, et on peut citer Facebook, qui à commencé à introduire des contenus IA à titre d'essai en 2023 pour tester l'audience. Un exec. de META, Connor Hayes, interviewé par The Guardian en décembre 2024, avait même confessé que la plate-forme serait "pleine de caractères IA" en 2025-2026. Toujours est-il que dans le même temps META supprimait des comptes IA de particuliers devenus viraux… L'attitude d'autres réseaux sociaux est aussi ambivalente sur le sujet et pourrait simplement continuer à fonctionner sur le mode de promotion des contenus viraux par simple intérêt pécunier (et la pression des investisseurs et shareholders). Si les contenus IA sont plus viraux (ce qui semble vrai avec des images photoréalistes faisant controverse) et des usines à clickbait ou "putaclic" (voir le "jésus crevette" devenu viral et symbolique de cette tendance), les revenus associés à ces comptes sont favorisés par les statistiques et les algorithmes en place, et prennent de l'audience aux contenus légitimes.
Mais les principaux responsables sont les créateurs de contenus eux-mêmes, non la "vieille garde", les acteurs traditionnels de la blogosphère et de Youtube qui se sont peu à peu substitués à la presse traditionnelle. On parle ici d'une nouvelle vague, plutôt associée à la Russie, l'Afrique et à l'Asie (Chine, mais pas que), qui a perçu tout l'avantage de produire du contenu facile, pour des revenus faciles, et d'exploiter de manière stratégique et avec des essais/erreurs cette génération IA, image et texte. En tout cas, les acteurs traditionnels produisant du contenu sont à la peine, avec une chute d'audience et de revenus bien réelle, déjà impactés par la chute du cours de la publicité en ligne après le début de la guerre en Ukraine en 2022. Une guerre qui d'ailleurs à changé de nature avec les drones et leur IA associée… Et la guerre hybride instrumentalisée par la Russie et la Chine produisant des fakes news pour déstabiliser l'ouest collectif avec l'IA sans vergogne depuis des années, mulriplianr les faux comptes, "noyant" par trolling les contenus humains et commentaires légitimes.
Il se pourrait donc que ces derniers des Mohicans, les créateurs de contenus humains légitimes, soit baissent massivement leur production de contenus et "réduisent la voilure" en qualité, faute de moyens, ferment leurs comptes, ou bien cèdent aux sirènes des revenus faciles et se mettent eux-mêmes à produire du contenu IA comme dit plus haut, ce qui va contribuer puissamment à éroder la confiance des internautes. On voit depuis 2024 la naissance d'un mouvement de résistance d'internautes à l'IA slop, avec des dénonciations, des boycots et une "AIshame" qui se développe. Mais mécaniquement, l'explosion du contenu AI va tout simplement discréditer internet globalement, et probablement conduire à un rééquilibrage à terme.
Pour un avenir meilleur, ou utopie ?
L'une des réactions à ce déferlement de contenus artificiels, en dehors de ces dénonciations, ce sont aussi les réactions de ces créateurs de contenus qui commencent à s'impatienter de la molle réaction de Google, toujours le grand arbitre de la "toile" à venir sanctionner, démonétiser ou déréférencer ces contenus AI, ce qui conduit de plus en plus de créateurs à afficher le label "human content" ou, pour des youtubeurs, à se montrer face caméra, chose qui répugnait beaucoup de créateurs promotionnant la culture traditionnelle de l'anonymat ("regardez mon contenu, pas ma personne"). Car le phénomène à aussi un impact massif et négatif sur Youtube.
La logique de créer des "contenus bidons" n'est pas nouvelle, elle est née avec des techniques de référencement black hat il y a plus d'une décennie avant que google, quand il faisait encore son travail avant de se muer une moteur E-commerce, sanctionne ces pratiques. Depuis, le nouveau danger est qu'une IA auto-apprenante génère des contenus de plus en plus viraux au service de placement de produits, en dehors de motivations de génération d'audience pour générer plus de revenu publicitaire, et donc au contraire motiver Google pour laisser faire. Dans tous les cas, la tendance est plus de robots, moins d'humains, avec une chute bien plus rapide des créateurs de contenus traditionnels que des consommateurs. Il est aussi peu intéressant pour des publicitaires de voir plus de 50% de leur trafic captés par des robots qui ne cliqueront jamais sur l'annonce et n'effectueront pas d'achat.
Beaucoup de nostalgiques de l'internet à ses débuts en viennent à rêver d'un "internet 2" utilisant les mêmes réseaux physiques mais avec un protocole qui bannirait les robots pour une refondation complète de la manière d'agencer les contenus, par exemple avec la popularité objective (des humains notant une publication pour la promouvoir, non plus des algorithmes). C'est sans doute un rêve utopique qui sera rattrapé par les réalités du marché si ses créateurs baissent leur garde, mais certains projets semblent gagner de la traction. Toutefois il faudra payer pour y accéder car il faut bien héberger tout ce beau monde… Qui dit internet libre dit captation marchande à tout moment, et les robots prospèrent, à moins de complètement refondre le système d'économie capitaliste qui dirige le monde, mais c'est un autre débat. D'un autre côté, si internet disparaissait du jour au lendemain, serait-ce si terrible de revenir à des interactions humaines et une vie hors écran ?
Vivent les robots ! ;)